Suite de la plainte de BonSens.org : l’ONU interpelle la France au sujet des violences policières et publie un communiqué
Le 28 mars 2023, le Conseil des droits de l’Homme à l’ONU était saisi d’une plainte contre la France et ses représentants (Emmanuel Macron, Elisabeth Borne, Gerald Darmanin, le préfet de Paris Nunez) pour usage immodéré de la force à l’encontre des manifestations qui ont eu lieu contre la réforme des retraites et l’usage de l’article 49.3.
Cet usage immodéré de la force viole le droit de résistance à l’oppression (Article 2 de la Déclaration du droit de l’Homme et des citoyens) lequel s’exerce par le droit de manifester sans craindre pour sa sécurité. Ces démarches peuvent être effectuées par tout citoyen sur le site de l’ONU. C’est le moyen employé par l’association BonSens.org pour déposer cette plainte.
Le 11 avril 2023, par suite de la saisine de BonSens.org, le rapporteur spécial sur la liberté d’assemblée et d’association a envoyé sa communication à la France. Elle avait 60 jours pour répondre.
La France n’ayant pas répondu dans les 60 jours impartis, la communication de l’ONU est devenue publique depuis le 11 juin 2023.
Ce 15 juin 2023, l’ONU a effectué la communication ci-dessous (accessible ici) :
La France doit respecter et promouvoir le droit de réunion pacifique, déclarent des experts de l’ONU
GENÈVE (15 juin 2023) – Des experts* des Nations Unies ont exprimé leur inquiétude face aux allégations d’un usage excessif de la force lors des récentes manifestations contre la réforme des retraites et les projets de méga-bassines en France.
« Le manque de retenue dans l’usage de la force à l’encontre des membres de la société civile qui revendiquent de manière pacifique leur participation aux processus décisionnels concernant leur avenir, l’accès aux ressources naturelles, la protection des droits humains, la dignité et l’égalité, serait non seulement anti-démocratique, mais profondément inquiétant pour l’État de droit », ont déclaré les experts.
« Nous appelons les autorités à entreprendre un examen complet de leurs stratégies et pratiques en matière de maintien de l’ordre afin de permettre aux manifestants d’exprimer leurs préoccupations et à faciliter une résolution pacifique des conflits sociaux. Nous nous tenons à la disposition des autorités françaises pour fournir des recommandations nécessaires dans les domaines où des insuffisances auraient été constatées », ont ajouté les experts.
Ils ont réitéré leur appel** à la France à respecter ses obligations internationales afin de faciliter et protéger les manifestations pacifiques, ainsi qu’à promouvoir la liberté d’association, notamment en prenant les mesures nécessaires pour enquêter sur les violences commises au cours de ces manifestations et traduire leurs auteurs en justice.
Depuis le début de l’année, des milliers de personnes se sont mobilisées dans différentes villes française pour dénoncer la réforme des retraites proposée par le gouvernement, ainsi que les politiques de gestion de l’eau face à l’urgence climatique.
Les experts ont noté que des manifestants de tous âges et issus de divers mouvements sociaux, dont les mouvements syndicaux et écologistes, ont promu et adopté des méthodes pacifiques, en plus d’avoir clairement énoncé leurs revendications en amont des rassemblements.
« La police aurait dispersé les foules à l’aide de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement, munitions que la France est le seul pays européen à utiliser lors d’opérations de maintien de l’ordre », ont précisé les experts.
La répression des forces de l’ordre aurait fait des dizaines de blessés, dont des manifestants, des journalistes, des élus et des passants. À différentes occasions, dans la capitale, la brigade motorisée « Brav-M » aurait menacé et frappé des manifestants. À Sainte-Soline, la police aurait tiré au LBD (lanceur de balles de défense) 40 depuis des quads en mouvement et les secours auraient reçu l’interdiction d’intervenir pour secourir un blessé grave. Des personnes auraient été arrêtées arbitrairement dans plusieurs villes.
« Nous sommes conscients que des actes de violence isolés commis par certains manifestants ont blessé des membres des forces de l’ordre et endommagé des biens publics. Toutefois, tant le nombre de blessés enregistré que la gravité des violences rapportées sont alarmants », ont poursuivi les experts.
Des informations préoccupantes leur sont également parvenues concernant le recours à une rhétorique criminalisante des défenseurs des droits humains et de l’environnement de la part du gouvernement. Les experts s’inquiètent d’une tendance à la stigmatisation et à la criminalisation des personnes et organisations de la société civile œuvrant pour la défense des droits humains et de l’environnement qui semble s’accentuer et justifier un usage excessif, répété et amplifié de la force à leur encontre.
« Le droit de réunion pacifique est un droit fondamental qui forme le socle même des systèmes de gouvernance participative fondés sur la démocratie, les droits humains, l’État de droit et le pluralisme », ont rappelé les experts.
« Nous rappelons enfin à la France que toute stratégie de maintien de l’ordre doit respecter les principes de nécessité et de proportionnalité dans le seul but de faciliter les réunions pacifiques et de protéger les droits fondamentaux des personnes qui y participent, notamment leur droit à la vie, à leur intégrité physique et psychologique », ont dit les experts.
FIN
** Les experts avaient déjà fait part au gouvernement français de préoccupations similaires en 2019, lors des rassemblements de « gilets jaunes ».
*Les experts : Clément Nyaletsossi Voulé, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association ; Pedro Arrojo-Agudo, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement ; David R. Boyd, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et de l’environnement ; Michael Fakhri, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation ; Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale sur les défenseurs des droits de l’homme ; Irene Khan, Rapporteuse spéciale sur la liberté d’opinion et d’expression, et Michel Forst, Rapporteur spécial sur la protection des défenseurs de l’environnement dans le cadre de la Convention d’Aarhus.