Lettre de préoccupation pour une étude concernant l’effet antiviral d’Evusheld chez des patients hospitalisés pour COVID-19 – lettre soutenue par BonSens.org
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Les contenus de ce site ne peuvent donc pas constituer des provocations à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, ni non plus des provocations à adopter des pratiques ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique.
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Des scientifiques de BonSens.org ont écrit une lettre de préoccupation concernant l’étude intitulée : « Effet antiviral d’Evusheld chez les patients hospitalisés pour COVID-19 infectés par des variants pré-Omicron ou Omicron : une analyse de modélisation de l’essai randomisé DisCoVeRy » à cause de plusieurs problèmes scientifiques et médicaux rencontrés dans cette étude.
Cette lettre de préoccupation a été publiée ce le 5 novembre 2024 après revue par les pairs et BonSens.org a soutenu cette publication. Voici la version française.
Commentaire sur : Effet antiviral d’Evusheld chez les patients hospitalisés dans le cadre de l’étude COVID-19 et infectés par des variantes pré-Omicron ou Omicron : une analyse de modélisation de l’étude randomisée DisCoVeRy
Nous avons lu avec grand intérêt l’article de Beaulieu et al (1). Cet article montre que le médicament Evusheld présente une activité antivirale, avec des différences entre les variantes. Nous avons plusieurs objections à formuler.
- Nous sommes très préoccupés par l’applicabilité de la modélisation mathématique mécaniste (MMM). En 2018, Baker et al. (2) ont étudié l’applicabilité de la MMM en biologie. Leur conclusion est la suivante : « Pour fournir des prédictions précises, les modèles d’apprentissage automatique nécessitent de grandes quantités de données ou une interaction intensive avec l’environnement, le choix d’un algorithme adéquat et l’identification des entrées et des sorties d’intérêt ». Baker et al. soulignent également que ce type de modélisation nécessite des personnes qualifiées et formées pour en garantir l’intégrité. Nous n’avons pas identifié ces compétences parmi les auteurs. Metzcar et al. (3) déclarent également : Le choix de l’outil d’analyse doit toujours tenir compte de la qualité, de la taille et du type de données et de connaissances à la lumière de la question de recherche sous-jacente. Ils concluent : Enfin, malgré la notion positive d’apprentissage mécaniste, certaines limites persistent dans les approches séparées et combinées. En particulier, les considérations éthiques doivent être prises en compte. Celles-ci peuvent découler de la confidentialité des données, des biais algorithmiques ou de la mise en œuvre clinique des modèles hybrides ». Gyllingberg et al. (4) sont allés plus loin en décrivant « l’art perdu de la modélisation mathématique » et ont conclu que « des trois activités de modélisation – (1) formulation de modèles ; (2) analyse de modèles ; et (3) ajustement ou comparaison de modèles aux données – inhérentes à la biologie mathématique, les chercheurs se concentrent actuellement trop sur l’activité 2 au détriment de l’activité 1 ». L’aspect le plus préoccupant de cet exercice et de l’utilisation de MMM est la petite taille des échantillons de données à partir desquels ils dérivent les modèles. Cela correspond au point (1) de Gyllingberg et al. sur la formulation des modèles. À notre avis, ces ensembles de données n’ont pas une puissance suffisante pour fournir un modèle stable. Par exemple, dans leurs figures S2-S5, comme dans les autres, ils ajustent les courbes avec trois charges virales observées (points) et trois activités neutralisantes observées (triangles). Cela ne respecte pas le fondement de la loi des grands nombres, (5) qui rappelle que « la moyenne d’un grand nombre de variables aléatoires indépendantes ou presque indépendantes est généralement proche de sa moyenne ». Dans l’article, nous disposons de très petits ensembles de données, bien en deçà du minimum requis de 30 observations pour permettre la vérification du MMM. L’utilisation des modèles où une moyenne est calculée contiendra donc des biais, qui peuvent conduire à des conclusions complètement erronées.
- L’effet antiviral est un critère intermédiaire. Cet aspect est brièvement discuté par les auteurs.
- Environ la moitié des patients ont été vaccinés. La vaccination ne risque-t-elle pas d’interférer avec les mesures de la charge virale ? Il n’est pas clair si les auteurs ont pris en compte le statut vaccinal des patients lors de la mesure de la charge virale après le traitement.
- L’étude a été réalisée sur des patients hospitalisés. A ce stade, qui correspond au début de la phase inflammatoire de la maladie, ce n’est plus l’effet antiviral qui est le plus intéressant du point de vue des soins, mais les soins infirmiers, l’oxygénothérapie et les différents médicaments qui pourraient prévenir la cascade des cytokines. Les charges virales ne sont plus cliniquement pertinentes. Les médicaments antiviraux doivent être administrés le plus tôt possible, bien avant l’hospitalisation, avec une surveillance étroite de l’oxygénation, en raison des phénomènes d’hypoxie qui peuvent survenir (effet shunt). En effet, comme l’indiquent les auteurs dans leur article, section Résultats : « Atteindre une différence de 0,5 log dans les niveaux de charge virale au jour 5 par rapport aux patients non traités, ce qui a été associé à une réduction du risque de maladie sévère chez les patients ambulatoires… ». Il est étonnant que les auteurs confondent patients hospitalisés et patients ambulatoires alors que la distinction est fondamentale ; les premiers sont dans la phase de multiplication virale, les seconds dans la phase inflammatoire.
- Le coût et l’administration IV de ce médicament ne permettent pas de l’utiliser avant l’hospitalisation. La grande majorité des patients n’évolue pas vers une détresse respiratoire. Il est inconcevable d’administrer ce médicament de façon précoce et systématique, même à des patients présentant des facteurs de risque.
- Les auteurs ne mentionnent pas l’évolution du SRAS-CoV-2 éventuellement induite par un échappement immunitaire avec des anticorps monoclonaux, ce qui est un vrai problème, comme c’est le cas avec les vaccins dirigés contre une seule protéine virale. Les auteurs pourraient également discuter de la possibilité d’un phénomène de renforcement dépendant des anticorps et des variantes. (6-8)
- Les auteurs rapportent également une réduction de la mortalité avec le remdesivir. Cependant, cette réduction est faible dans l’article cité, observée uniquement chez les patients non ventilés. Une fois de plus, ces études ont été réalisées trop tardivement et les auteurs ne mentionnent pas les complications rénales et hépatiques particulièrement sévères de ce médicament. (9)
Cette étude, bien qu’intéressante d’un point de vue fondamental, n’a aucun sens du point de vue de la prise en charge réelle des patients, et les conclusions que les auteurs tirent, méritent d’être corrigées suite aux points soulevés dans cette lettre de préoccupation.
Citer la lettre
Alexis Lacout, Xavier Azalbert, Corinne Reverbel, Jean-François Lesgards, Dominique Cerdan, Valère Lounnas, Gérard Guillaume, Martin Zizi, Christian Perronne, Comment on: Antiviral effect of Evusheld in COVID-19 hospitalized patients infected with pre-Omicron or Omicron variants: a modelling analysis of the randomized DisCoVeRy trial, Journal of Antimicrobial Chemotherapy, 2024;, dkae385, https://doi.org/10.1093/jac/dkae385